[Entretien] Enseignement supérieur – Professeur Dhanjay Jhurry : « Offrir une alternative crédible à l’expatriation des jeunes Mauriciens »

[Entretien] Enseignement supérieur – Professeur Dhanjay Jhurry : « Offrir une alternative crédible à l’expatriation des jeunes Mauriciens »

Ancien Vice-Chancelier de l’Université de Maurice, le Professeur Dhanjay Jhurry dirige aujourd’hui Uniciti International Education Hub avec la conviction que l’éducation doit être inclusive, innovante et centrée sur l’humain. Dans cet entretien, il revient sur la genèse du projet éducation de Medine, les obstacles rencontrés, les réussites accomplies et partage sa vision pour positionner Maurice comme une destination académique d’excellence dans la région.

Uniciti International Education Hub s’inscrit dans un projet à long terme. Quelle est l’origine de cette vision ?

L’origine du projet remonte à 2004, lorsque Medine amorce un tournant stratégique majeur avec l’élaboration de son masterplan à 20 ans. Ce plan de développement prévoit la mutation progressive du groupe, historiquement agricole, vers un modèle économique plus diversifié et résilient, structuré autour d’une smart city. L’éducation y est immédiatement identifiée comme un levier de transformation territoriale, sociale et humaine.

Ce n’était pas une diversification opportuniste, mais une démarche pensée avec une grande cohérence. En parallèle, les autorités formulaient également une vision ambitieuse : faire de Maurice un hub régional pour l’enseignement supérieur. Les aspirations de Medine ont rejoint celles des autorités, donnant naissance à un projet porté par un alignement stratégique rare entre le secteur privé et les politiques publiques. Dès le départ, l’éducation n’a pas été envisagée comme un simple secteur à explorer, mais comme un pilier du futur — tant pour la smart city de Medine que pour le pays.

Quels étaient les grands principes du masterplan de Medine ?

Le masterplan repose sur trois piliers fondamentaux : un développement intégré, un ancrage durable et une forte dimension sociale. À l’époque, ces notions étaient encore peu répandues dans la planification stratégique à Maurice. Ce projet n’était pas seulement immobilier ou commercial ; il s’agissait de bâtir un écosystème où chaque élément – habitation, commerce, éducation, loisirs – s’intègre harmonieusement, dans une logique de durabilité.

Pour réussir ce pari, il fallait impérativement nouer des partenariats et ne pas travailler en silo, mais en collaboration avec des acteurs académiques de référence, afin d’assurer la pertinence et la qualité de l’offre éducative dès son lancement.

Comment cette vision s’est-elle concrétisée ?

Depuis 2014, le Medine Education Village est devenu un campus multi-institutionnel accueillant des établissements académiques prestigieux. Vatel, leader international dans le secteur de l’hôtellerie, a été le premier à s’y installer, suivi par Middlesex University, qui a renforcé sa présence à Maurice via une joint-venture avec Medine.

Par la suite, d’autres institutions ont rejoint le campus, telles que Paris Panthéon-Assas, qui propose des formations en droit (LLB et LLM), l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes avec un Bachelor et un Master en architecture et urbanisme, ainsi que d’autres établissements spécialisés dans les technologies numériques. Certaines sont toujours présentes, d’autres ont adapté leur offre, mais cette dynamique a définitivement lancé un mouvement de fond vers une offre éducative d’excellence, diversifiée et accessible.

Quels ont été les principaux défis rencontrés sur ce chemin ?

La rentabilité d’un tel projet a toujours été un défi majeur. Le secteur de l’éducation est exigeant, avec des coûts importants liés à l’infrastructure, la qualité des programmes, et le recrutement d’étudiants internationaux. Medine a été le premier à investir massivement dans des résidences universitaires afin d’accueillir des étudiants étrangers.

Mais c’est la pandémie de 2020 qui a été le coup le plus dur : la fermeture des frontières a stoppé net l’arrivée d’étudiants étrangers, provoquant le retrait de certains partenaires. Le modèle économique en place n’était plus viable dans ce contexte inédit, ce qui a nécessité une remise à plat profonde et une réorganisation stratégique.

Vous avez pris la direction de UIEH en août 2022. Quelles ont été vos premières décisions ?

En octobre 2022, j’ai lancé un plan de réingénierie, répondant à une évolution naturelle des besoins et des ambitions du Hub. Ce plan s’articule autour de deux axes majeurs.

Le premier concerne la génération de revenus : il fallait renforcer les partenariats académiques, développer la formation continue, et mieux valoriser les atouts du campus pour attirer davantage d’étudiants et de professionnels. Le second axe, tout aussi important, vise à consolider le soutien structurel au développement du Hub : encourager une culture d’innovation, stimuler la recherche et organiser des événements de leadership intellectuel.

Nous ne concevons pas l’éducation comme un simple produit commercial. Pour la faire rayonner, il est indispensable d’investir dans des aspects parfois moins immédiatement rentables, mais qui ont un impact profond et durable, comme l’innovation et le partage du savoir au public.

Comment placez-vous l’humain au centre de cette stratégie éducative ?

L’humain est le cœur de notre démarche. Former un étudiant, ce n’est pas uniquement transmettre un savoir académique. C’est lui permettre de développer ses compétences techniques, bien sûr, mais aussi ses qualités humaines, son sens critique, sa capacité à travailler en équipe et son engagement citoyen.

À UIEH, nous parlons de savoir, de savoir-faire, de savoir-être et de savoir-vivre. Le campus offre un cadre de vie exceptionnel : hébergement sur place, infrastructures sportives comme le complexe SPARC, proximité avec des sites majeurs tels que Casela, un hôtel et un golf. Nous proposons aussi des opportunités concrètes de stages au sein des clusters d’activités du groupe.

C’est une expérience d’apprentissage globale, intégrée à un environnement de vie riche et stimulant, unique dans la région.

En quoi la diversité et l’inclusion sont-elles des piliers de votre vision ?

La diversité est une réalité vécue au quotidien à UIEH. Nos étudiants viennent de Maurice, mais aussi d’Afrique, d’Asie et d’autres régions. Nous nous assurons qu’ils bénéficient d’une véritable immersion culturelle, un échange qui enrichit tout le monde.

L’inclusion passe par l’accès à une éducation de qualité à un coût abordable. Nous veillons à ce que nos programmes restent accessibles à un large public – mauriciens, africains, indiens, sud-asiatiques. Proposer une éducation internationale à Maurice, c’est aussi créer une vraie valeur ajoutée pour le pays, en attirant talents et compétences.

Quels indicateurs jugez-vous essentiels pour mesurer le succès du Hub ?

Au-delà du simple nombre d’étudiants inscrits, nous mesurons la réussite à travers plusieurs indicateurs clés : l’impact des formations sur l’employabilité des diplômés, leur satisfaction, la qualité de l’expérience sur le campus, et la diversité de la communauté étudiante.

Nous considérons également la contribution du Hub au développement économique et social de la région. Le succès ne se limite pas à l’aspect académique ; il s’inscrit dans une vision plus large d’impact positif.

Quelles compétences clés souhaitez-vous que vos étudiants développent pour demain ?

Nous préparons nos étudiants à être flexibles, à penser de manière critique et créative, à collaborer efficacement, et à communiquer dans un monde interculturel. L’innovation est également au cœur de nos formations. Celles-ci sont dispensées en mode hybride, c’est-à-dire à la fois en présentiel et en ligne. Il est essentiel pour tout étudiant de se former à l’apprentissage en ligne, car cela fera également partie intégrante de sa vie professionnelle.

Ils doivent être prêts à évoluer dans un environnement en constante mutation, avec des connaissances solides mais surtout une capacité d’adaptation et un esprit d’ouverture vers l’avenir.

Comment stimulez-vous l’innovation dans l’enseignement et la recherche ?

Nous avons instauré une politique dynamique de projets collaboratifs avec nos partenaires académiques et industriels. Cela inclut des modules de recherche appliquée, des stages intégrés et des synergies avec les clusters économiques comme l’immobilier, l’hôtellerie ou l’agro-industrie.

L’innovation n’est pas confinée dans un laboratoire, elle se fait dans la réalité, sur le terrain, au contact des entreprises et des défis concrets.

Pouvez-vous nous parler d’un projet récent qui incarne cette volonté d’innover ?

Nous sommes les premiers à proposer à Maurice des programmes d’ingénierie en informatique (B.Eng (Hons)), en partenariat avec le Vellore Institute of Technology (VIT), une institution reconnue en Inde et à l’international. Le début des cours est prévu pour juin. Nous planifions également l’ouverture d’une école de médecine — une première à Maurice — qui viendra enrichir considérablement l’offre de formation, tant au niveau local que régional. Ce sera fait en partenariat avec l’Université de Swansea.

D’autres annonces viendront bientôt, avec l’objectif de renforcer l’unicité et la complémentarité des institutions présentes, tout en densifiant notre offre pour répondre aux besoins de demain.

En quoi le Hub contribue-t-il à créer une valeur durable pour la région de l’Ouest et pour Maurice ?

Notre impact est multiple, à la fois économique, social et humain. Par la génération d’investissements et la création d’emplois qualifiés, le Hub joue un rôle clé dans le développement de la région de l’Ouest et de Maurice en général.

Il attire des talents, favorise l’entrepreneuriat local, et crée des synergies entre les secteurs de l’éducation, de l’innovation et de l’industrie. Nous offrons aux jeunes Mauriciens une alternative solide à l’expatriation, en leur permettant de poursuivre des études supérieures de qualité au pays.

Les récentes intégrations de Swansea University et VIT Mauritius renforcent encore cette dynamique, avec un recrutement en cours qui témoigne de l’attractivité croissante du campus.

Au-delà de l’enseignement, nous bâtissons un véritable écosystème : un lieu où l’on peut vivre, apprendre, travailler et s’épanouir dans un environnement propice à l’innovation et à la création de valeur durable.

Quelle est votre vision pour faire de Maurice une destination internationale de l’éducation à travers le groupe Medine ?

Notre ambition est claire et ambitieuse : doubler le nombre d’étudiants dans les cinq prochaines années, pour atteindre 5 000 inscrits, dont au moins 70 % d’internationaux. Nous voulons faire de Maurice un pôle académique de référence régionale et internationale, fondé sur la qualité des programmes, la diversité des offres, et l’expérience de vie que nous proposons sur le campus.

Ce que nous construisons est un modèle unique : un hub privé, sans soutien financier direct des autorités, mais parfaitement intégré dans son environnement. Plus qu’un projet immobilier ou commercial, c’est un projet humain, fondé sur la vision d’une éducation inclusive, innovante et tournée vers l’avenir. Bâtir une destination académique internationale à Maurice ne se résume pas à implanter des bâtiments ou signer des accords. C’est avant tout créer un lieu de vie et de savoir, où chaque étudiant peut devenir un acteur du changement.

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