Il faut sauver le soldat banane ! Le lieutenant Cavendish serait-il promis au même sort funeste que son camarade Gros Michel, tombé sous les assauts de l’ennemi dans les années 1950 ? Après quatre décennies de bons et loyaux services, la variété qui représente à elle seule près de la moitié de la production mondiale (FAO) donne en tout cas d’inquiétants signes de faiblesse, voire d’effondrement.
La vaillante Cavendish avait pourtant été sélectionnée pour sa résistance à la fusariose de la banane, également appelée “maladie de Panama”, qui avait sonné le glas de la variété Gros Michel dont les fruits garnissaient autrefois les étals des marchés. Mais sans surprise, le champignon pathogène qui en est la cause n’a pas dit son dernier mot.
Originaire d’Asie du Sud-Est, la race tropicale 4 (TR4) du redoutable Fusarium oxysporum cubense (Foc) a causé la destruction d’environ trois quarts des bananeraies du territoire d’Ishwardi au Bangladesh, rapporte ainsi la Plateforme française d’Épidémiosurveillance en Santé Végétale (plateforme ESV). La maladie s’est également répandue en Afrique et en Amérique centrale.
Banane versus champignon : une course aux armements…
Cependant, la riposte scientifique est à l’œuvre. Ainsi, une équipe internationale dirigée par des biologistes de l’université du Massachusetts à Amherst (UMass) a publié dans la revue Nature Microbiology une étude révélant l’un des secrets d’attaque du champignon sur la plante fruitière.
En comparant le génome de quelque 36 souches de Fusarium à travers la planète, ces chercheurs ont découvert que la dénommée TR4 n’avait pas directement évolué à partir de celle ayant mis K.-O. la banane Gros Michel. En outre, sa virulence vis-à-vis de la Cavendish proviendrait en fait de “gènes accessoires” liés à la production de monoxyde d’azote.
En effet, la désactivation de deux gènes contrôlant la synthèse de monoxyde d’azote chez le champignon diminuait nettement la virulence de celui-ci. De quoi laisser planer l’espoir d’élaborer un futur traitement destiné aux bananiers ? Yong Zhang, premier auteur de l’étude, le suggère dans un communiqué : ”L’identification de ces séquences génétiques accessoires ouvre de nombreuses voies stratégiques pour atténuer, voire contrôler, la propagation du Foc TR4.”
…ou bien un cessez-le-feu à base de polyculture ?
Toutefois, la course aux armements risque de s’avérer sans fin : une fois l’éventuel traitement administré aux bananiers, une nouvelle souche de champignon émergera, et il faudra alors recommencer de zéro. À moins, bien sûr, d’obtenir un cessez-le-feu. C’est ce qu’espère Li-Jun Ma, professeure de biochimie et de biologie moléculaire à l’UMass Amherst, qui a supervisé la recherche.
“Lorsqu’il n’y a pas de diversité dans une grande culture commerciale, celle-ci devient une cible facile pour les agents pathogènes”, explique-t-elle. Et de suggérer : “La prochaine fois que vous achèterez des bananes, essayez les différentes variétés disponibles dans votre magasin d’alimentation spécialisé.” Il existe en effet plus de 1 000 variétés de bananes dans le monde (FAO).
Si la monoculture (culture d’une seule variété) est devenue la norme depuis la fin de la seconde guerre mondiale, son alternative la polyculture, parfois conjuguée à l’élevage, s’avérerait en effet plus résiliente. Avec bien d’autres avantages à la clé : une récente étude allemande a montré que la permaculture tenait ses promesses à la fois sur la biodiversité, le carbone et la santé des sols.
Or, les effets du réchauffement climatique entraînent une augmentation des sécheresses, des inondations, des ouragans et d’autres catastrophes naturelles, qui “rendent la production de bananes de plus en plus difficile, incertaine et coûteuse”, et menacent de perturber l’approvisionnement mondial ainsi que les moyens de subsistance des petits exploitants, note par ailleurs l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture.