Les données sont accablantes. Les accès à l’eau des Palestiniens ont été ciblés pas moins de 250 fois en 5 ans par l’armée et des colons israéliens, dont 90 fois entre janvier 2024 et mi-2025, rapporte le quotidien britannique The Guardian, se basant sur une étude du cercle de réflexion californien Pacific Institute, dédié à l’étude des conflits pour l’eau.
“En février 2024, des tireurs d’élite israéliens ont tué huit Palestiniens qui allaient chercher de l’eau près de l’hôpital Naser à Gaza, tandis qu’en avril, des frappes aériennes israéliennes sur deux écoles de la ville de Gaza ont tué et blessé 100 personnes et détruit cinq latrines mobiles et une unité de dessalement à énergie solaire qui avaient été installées en octobre 2024 dans le cadre d’un projet financé par l’UE”, détaille le journal à titre d’exemples.
Une “stratégie génocidaire”, selon le rapporteur de l’ONU
90% des installations de Gaza dédiées à l’eau et à son assainissement ont été détruites par l’armée israélienne ou sont rendues inaccessibles aux habitants par le blocus. Cela a engendré une gravissime crise sanitaire, selon Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits humains à l’eau potable et à l’assainissement.
“De telles pratiques à Gaza, mais aussi (…) au Soudan, constituent des violations du droit international (…) qui, dans le cas de Gaza en particulier, représentent une composante importante d’une stratégie génocidaire”, accuse Arrojo. “Israël a systématiquement utilisé l’eau pour déplacer et isoler la population palestinienne sur ses propres territoires, occupés illégalement depuis 1967, dans le cadre de sa stratégie d’apartheid et de colonisation progressive.”
En avril, des colons ont détruit des canalisations d’eau et d’irrigation en Cisjordanie, notamment dans le village de Khirbat. Par ailleurs, plus de 1 000 Gazaouis ont été tués par l’armée israélienne en tentant d’accéder à des points de distribution de nourriture et d’eau, dans un contexte de famine et de stress hydrique extrême. Des experts de l’ONU ont d’ailleurs dénoncé en juillet l’utilisation par Israël de la soif et de la faim comme armes de guerre.
Les conflits de l’eau, un fléau mondial
Si la situation de Gaza est la plus dramatique, le phénomène touche d’autres régions du monde. Le Pacific Institute a comptabilisé un record de 420 conflits pour l’eau sur la planète en 2024, soit +20% par rapport à 2023 et +78% par rapport à 2022. Le cercle de réflexion comptabilise parmi eux les manifestations et la violence transfrontalière pour l’accès à l’eau, ainsi que “l’arsenalisation” de l’eau (son utilisation comme arme de guerre). 160 attaques contre des ressources en eau (barrages, canalisations, puits, stations d’épuration) ont eu lieu au seul premier semestre 2025.
“La multiplication des incidents violents liés aux ressources en eau douce souligne l’urgence d’une action internationale”, alerte Peter Gleick, chercheur principal et cofondateur du Pacific Institute. “Garantir l’accès à une eau potable et abordable pour tous et protéger les systèmes d’approvisionnement en eau civils, conformément au droit international, est essentiel pour prévenir une nouvelle vague de violence.” D’autant plus que le dérèglement climatique va démultiplier les conflits d’usage autour de l’eau.





