Devoir mettre la clé sous la porte. Voici, en quelques mots, ce que redoutent aujourd’hui des centaines de bars et restaurants de Majorque, annonce le Daily Mail. Le média britannique relaie ici l’alerte lancée par l’association espagnole des restaurateurs, PIMEM-Restauración, qui voit dans l’été 2024 le pire vécu par son secteur depuis la pandémie.
Trois facteurs seraient à l’origine de la crise : le manque de personnel qualifié, l’augmentation des coûts liés à ce personnel et à l’activité du secteur, et une baisse générale des ventes.
“La durée moyenne des séjours a diminué et le budget des touristes s’est restreint ”, détaille César Amable, président de l’association. ”Cela pénalise les dépenses faites pour les ‘extras’. Résultat, nous avons vécu la période la moins rentable de ces dernières années, si on met de côté la période du Covid.”
Les restaurateurs exigent une convention collective spécifique
Pour sortir de l’impasse, les restaurateurs exigent la création d’une convention collective spécifique à leur secteur, distincte de celle des hôteliers. C’est déjà le cas, précisent-ils, dans d’autres provinces d’Espagne, comme La Rioja, Madrid et Guipúzcoa.
Plus précisément, Pimem-Restauración regrette que les salaires, pour respecter la convention actuelle, aient augmenté de 25,3 % depuis 2018. Et l’association observe que, si les hôteliers parviennent à absorber la hausse parce que leurs bénéfices ont augmenté, les restaurants n’arrivent pas à suivre. Sur la même période, le prix des menus n’a par exemple augmenté que de 10%.
“L’avenir est très sombre pour les restaurateurs”, résume, très inquiet, César Amable. Le président de l’association redoute que la baisse des revenus enregistrée cette saison n’engendre la fermeture anticipée de nombreuses entreprises situées dans les zones touristiques des Baléares.
Records de fréquentation touristique en Espagne
Cette crise intervient dans un contexte particulier pour l’archipel des Baléares. Ces derniers mois, celui-ci, comme d’autres régions d’Espagne, a vu une partie de sa population locale se soulever contre la surfréquentation touristique.
Détérioration de boîtes à clé utilisées pour les locations saisonnières à Séville, touristes attaqués au pistolet à eau à Barcelone, manifestations pour exiger des quotas de visiteurs, menaces de coupures d’eau sur les locations illégales : la résistance contre le surtourisme s’organise partout dans la péninsule, motivée par les records de visites enregistrés.
Selon l’INE, l’Institut national de la statistique en Espagne, 42,5 missions de visiteurs se sont rendus en Espagne au premier trimestre 2024. Un pic a même été constaté en juin avec 9 millions de touristes, soit 12% de plus qu’à la même période en 2023.
Avec une prévision de 85 millions de visiteurs au total, 2024, résume le Daily Mail, a de fortes chances de s’imposer à nouveau comme une année record. De quoi imposer l’Espagne comme le deuxième le plus visité au monde, juste après la France. Mais pas, pour autant, de quoi augmenter le chiffre d’affaires des restaurateurs.
Le secteur de l’immobilier en crise également
Les restaurateurs ne sont pas les seuls à traverser une crise en Espagne. Les données récoltées sur les pratiques des visiteurs internationaux montrent que ces derniers sont de plus en plus nombreux à choisir de séjourner dans des appartements locatifs plutôt que dans des hôtels. Cette catégorie de voyageurs a augmenté de 30% au cours du premier trimestre (contre 11% pour les fidèles des hôtels).
Ce phénomène impacte à son tour le secteur immobilier. Comme ce fut le cas à Paris, les destinations prisées des touristes voient une partie de leur parc acquis par des propriétaires désireux de transformer les appartements en logements touristiques. Résultat, les Espagnols peinent désormais à se loger à l’année et sont par ailleurs confrontés à une augmentation des loyers (+18% en 2024 pour Barcelone et Madrid, selon le site immobilier Idealista).