Dans une interview exclusive, Patrick Lagesse, Managing Director du pôle Agriculture chez Medine, revient sur les stratégies mises en place pour faire face au changement climatique, optimiser la gestion de l’eau et moderniser les pratiques agricoles. Découvrez comment Medine allie innovation, durabilité et performance pour renforcer la souveraineté alimentaire de Maurice.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre rôle en tant que Managing Director du pôle Agriculture chez Medine ?

Mon parcours dans l’agriculture a débuté il y a 35 ans, principalement dans la culture de la canne à sucre ainsi que dans la production de légumes. Ingénieur agronome de formation, j’ai exercé en tant que conseiller et consultant pour accompagner la production cannière et d’autres cultures. J’ai ensuite complété mon cursus par un MBA, ce qui m’a permis de prendre des responsabilités accrues en gestion agricole.

J’ai occupé plusieurs postes liés à la production et à la gestion technique avant d’explorer le secteur en Afrique en tant que Directeur Technique Agricole du groupe agro-industriel ivoirien SIFCA. En 2022, j’ai rejoint Medine en tant que Managing Director du pôle Agriculture. Aujourd’hui, mon rôle consiste à assurer la gestion stratégique et opérationnelle de ce pôle, en veillant à sa performance, son innovation et sa durabilité.

Quelle est la vision stratégique du pôle Agriculture et comment s’aligne-t-elle avec les valeurs globales du groupe Medine ?

Le pôle Agriculture s’articule autour de quatre unités principales :

• Agricane, pour la production de plants de canne.
• Agrinovation, pour la production de légumes sous la marque Les Jardins de Medine.
• Yemen, une réserve de 15 000 cerfs, fournissant environ 20 % de la production nationale de viande de cerf.
• Landscaping, pour répondre aux besoins internes et externes en aménagement paysager de la région de l’Ouest.

Nous disposons d’un garage et d’un atelier de service pour assurer l’entretien des machines et équipements utilisés pour la préparation des champs, la coupe et l’irrigation.

Notre stratégie repose sur l’efficacité, la productivité et l’innovation, tout en restant alignée avec les valeurs du groupe Medine : respect de l’humain, intégrité, performance et développement durable. Mon rôle est d’accompagner les équipes, de leur fournir les moyens nécessaires pour atteindre leurs objectifs et de convaincre la direction d’investir dans nos ambitions.

Quels sont, selon vous, les principaux défis et opportunités dans le secteur agricole à Maurice ?

L’un des plus grands défis est le débalancement climatique, notamment la sécheresse et la variabilité des précipitations. En 2024, nous avons déjà connu deux inondations, en janvier et avril, suivies d’une période de sécheresse prolongée.

Le manque de main-d’œuvre constitue un autre obstacle majeur. La production agricole exige une main-d’œuvre qualifiée, mais le recrutement est de plus en plus difficile. Depuis 2023, Medine a fait appel à une vingtaine de travailleurs expatriés, avec des contrats courant jusqu’en 2026.

Cependant, Medine bénéficie d’atouts majeurs : des terres agricoles, un savoir-faire centenaire et des marques fortes comme Les Jardins de Medine. Notre positionnement nous permet d’innover et d’adopter des pratiques agricoles modernes pour assurer la continuité et la croissance de notre secteur.

Les Jardins de Medine et les Terroirs de Medine sont des initiatives phares. Quels impacts ont-elles eu sur le marché local et sur les communautés environnantes ?

Les Jardins de Medine sont une marque de qualité qui célèbre ses 13 ans cette année. Nous distribuons nos produits principalement en supermarchés, garantissant aux Mauriciens des légumes de qualité, frais et locaux. Ce projet emploie une cinquantaine de personnes, principalement issues de la région de l’Ouest.

Les Terroirs de Medine est une initiative récente, encore en phase de développement. Notre objectif est de proposer de la viande de cerf issue de la réserve de Yémen, 100 % mauricienne, et d’explorer des options de transformation agroalimentaire.

Quels projets innovants avez-vous mis en place pour améliorer la durabilité et l’efficacité des pratiques agricoles ?

L’eau étant une ressource précieuse, nous avons massivement investi dans des systèmes d’irrigation performants, notamment le goutte-à-goutte (drip irrigation), qui affiche une efficience d’utilisation de l’eau supérieure à 95 %. Nous modernisons également nos systèmes d’irrigation existants. Cette utilisation judicieuse de nos ressources en eau nous permet d’augmenter la production.

Comment le pôle Agriculture de Medine utilise-t-il la technologie pour répondre aux enjeux climatiques et économiques actuels ?

La mécanisation et l’innovation sont essentielles pour pallier le manque de main-d’œuvre et améliorer l’efficacité. Nous avons investi dans des tracteurs, récolteuses et équipements de dernière génération, équipés de GPS pour un suivi précis de la consommation et des opérations agricoles.

Nous avons également acquis trois drones destinés à la cartographie, à la surveillance et, plus récemment, à l’application ciblée d’herbicides, permettant ainsi de réduire la quantité de produits utilisés grâce à une application plus précise. Nous poursuivons des tests afin d’optimiser leur utilisation.

Malheureusement, nous sommes contraints de respecter la restriction imposée par les autorités, qui limite la capacité du drone à un maximum de 10 litres. C’est dommage, car cela réduit notre champ d’action et notre productivité.

Comment Medine s’assure-t-il que ses pratiques agricoles soient durables et respectueuses de l’environnement ?

Nous réduisons notre empreinte carbone en utilisant des machines de dernière génération équipées de GPS pour optimiser et mesurer la consommation de carburant. Nous adoptons également des pratiques agricoles raisonnées en ajustant l’application des fertilisants et des pesticides en fonction des besoins réels de la plante. Nous produisons du compost qui, appliqué aux champs, augmente la matière organique de nos sols et permet de réduire l’utilisation des fertilisants conventionnels.

Quels programmes ou initiatives le pôle Agriculture mène-t-il pour soutenir les communautés locales et favoriser l’emploi dans la région ?

Nous soutenons activement les communautés locales en mettant chaque année entre 50 et 100 hectares de terres à disposition des agriculteurs ne disposant pas d’exploitations. Cette initiative leur permet de développer leur activité et de commercialiser leurs récoltes sous notre supervision, tout en garantissant des standards de qualité élevés.

Au-delà de l’accès aux terres, nous accompagnons ces agriculteurs dans l’adoption de pratiques durables et performantes, en ligne avec les valeurs du groupe Medine. En favorisant l’inclusion économique et l’entrepreneuriat local, nous contribuons à créer un écosystème agricole dynamique et collaboratif. L’innovation et la performance sont également au cœur de notre approche, avec une supervision visant à optimiser les rendements tout en préservant l’environnement.

Quelle est votre approche pour intégrer des jeunes talents ou soutenir les petites exploitations agricoles ?

Nous investissons dans la formation de nos employés à tous les niveaux, du champ au back-office, afin de garantir un savoir-faire de qualité et une montée en compétences continue. Conscients que l’avenir de l’agriculture repose sur une nouvelle génération de professionnels, nous encourageons activement les jeunes agriculteurs à rejoindre notre réseau.

En leur offrant un accès aux meilleures technologies et pratiques agricoles, nous leur permettons de travailler plus efficacement et de moderniser le secteur. Ces initiatives visent à rendre l’agriculture plus attractive pour les jeunes, en démontrant qu’elle peut être innovante, rentable et porteuse d’opportunités durables.

Quel message aimeriez-vous transmettre aux Mauriciens et aux parties prenantes à propos du pôle Agriculture de Medine ?

Le pôle Agriculture de Medine se positionne comme un acteur clé de la souveraineté alimentaire mauricienne. En adoptant des pratiques innovantes et respectueuses de la biodiversité, nous assurons une production agricole de qualité, pérenne et résiliente.