Immigration : près de 10 000 Africains au Canada risquent de perdre leur travail fin septembre 2024

Immigration : près de 10 000 Africains au Canada risquent de perdre leur travail fin septembre 2024

Dès le 27 septembre 2024, les employeurs canadiens n’auront le droit de recruter qu’un maximum de 10 % de travailleurs temporaires étrangers, dans leurs effectifs.

En leur notifiant cette décision, fin août, le gouvernement fédéral canadien a procédé pour la deuxième fois en un an, à la réduction des quotas pour cette catégorie de travailleurs souvent peu qualifiés et bon marché.

“Le Programme des travailleurs étrangers temporaires est conçu comme une mesure d’exception, lorsqu’aucun Canadien ou résident permanent qualifié n’est en mesure de pourvoir un poste vacant. Malheureusement, le Programme a servi à éviter l’embauche de travailleurs talentueux au Canada “, explique le gouvernement canadien dans un communiqué.

Les autorités affirment également qu’elles prennent la mesure pour “éliminer la fraude et le recours abusif au Programme”, encourageant les entreprises à “investir dans les travailleurs locaux”.

Parce qu’ “à l’heure actuelle, nous savons qu’un plus grand nombre de Canadiens qualifiés peuvent occuper les postes vacants”, déclare le gouvernement dans son communiqué.

Les employeurs canadiens inquiets

Ces explications ne semblent pas convaincre les employeurs. Jointe par la BBC, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) a qualifié la mesure gouvernementale de “préoccupante”. L’organisation se présente comme le principal défenseur des petites et moyennes entreprises (PME) au Canada et revendique 97 000 (entreprises) membres.

La fédération a également estimé que l’annonce gouvernementale “viendra ajouter une pression sur de nombreuses entreprises qui peinent à trouver du personnel”.

Selon les chiffres du gouvernement, les petites et moyennes entreprises représentaient 63,8 % d’emplois dans le pays. Les employeurs comptent sur ce segment pour se procurer du personnel qu’ils peinent à trouver sur le marché.

En 2020 par exemple, 117 000 personnes d’origine étrangère ont avoué avoir eu des revenus grâce aux emplois temporaires.

Si l’on compare aux données de juin 2024, seulement 109 000 personnes seulement ont un emploi en tant que travailleur étranger temporaire, selon des rapports du gouvernement canadien que la BBC a pu consulter.

Ce qui pousse la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante à dire que “la main-d’œuvre disponible au Canada n’est pas suffisante pour répondre aux besoins, surtout dans des secteurs comme l’agriculture et l’aide familiale, les métiers spécialisés et les zones rurales”.

Pour elle, “les pénuries de main-d’œuvre dans ces secteurs vitaux pour l’économie canadienne ne feront que s’aggraver, car la nouvelle génération de travailleurs ne sera pas en mesure de compenser la vague de départs à la retraite prévue au cours des prochaines années”, s’inquiète-t-elle.

En effet, selon le dernier rapport de l’Institut du Québec, qui donne des statistiques sur l’emploi, “l’immigration allège certaines pressions sur le marché de l’emploi en cette période charnière où de nombreux baby-boomers prennent leur retraite. Au Québec, 86 personnes âgées de 20 à 29 ans rejoignent le marché du travail pour chaque 100 personnes âgées de 60 à 69 ans qui le quittent”.

Qu’est-ce que le programme de travailleurs étrangers temporaires ?


Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été mis en place par le gouvernement canadien dans les années 1960 et ne concernait au départ que les employés agricoles. Il a été remanié à plusieurs reprises jusqu’en 2002, pour inclure les travailleurs peu qualifiés.

Il permet aux employeurs d’embaucher temporairement des travailleurs étrangers pour résorber des pénuries de main-d’œuvre et de compétences lorsqu’ils ne peuvent trouver de citoyens canadiens ou de résidents permanents qualifiés pour occuper ces postes.

Contrairement au Programme de mobilité internationale qui permet aux employeurs de recruter directement à l’étranger sans condition, le programme des travailleurs étrangers temporaires obéit à plus de conditions.

Notamment l’obligation pour les employeurs de déposer des demandes d’embauche devant les autorités qui les valident et déterminent si les travailleurs étrangers auront un effet positif ou neutre sur le marché du travail concerné.

Si l’effet est négatif, les autorités refusent la demande de recrutement des travailleurs concernés. Dans sa dernière décision, les autorités ont estimé que les embauches de travailleurs étrangers temporaires ont contribué à faire grimper le taux de chômage de 1,4 point en un an.

Quels sont les secteurs qui emploient le plus de travailleurs étrangers temporaires au Canada ?

En juin 2024, le Canada comptait 109 840 travailleurs étrangers temporaires. Bien que ce soit un bilan à mi-parcours de l’année en cours, ce chiffre est déjà le deuxième le plus élevé de ces 9 dernières années.

Selon la répartition gouvernementale, le Québec est de loin en tête des provinces canadiennes dépendant le plus de cette catégorie de travailleurs, avec à peu près 32 % de la demande, selon la dernière mise à jour du gouvernement consultée par la BBC.

Sur les 35 220 travailleurs que compte cette province, les métiers de la récolte agricole arrivent en tête avec 12 000 ouvriers. Ce qui représente plus du 1/3 de personnes actives dans la province.

Dans la province d’Ontario, deuxième dépendante du personnel temporaire étranger avec 31 000 ouvriers, plus de la moitié, soit 16 000 se consacrent à la récolte des produits agricoles.

De manière plus large, en 2020, les métiers du rural, constitués principalement de l’agriculture, la foresterie, la pêche et la chasse recrutaient 45,4 % des travailleurs temporaires à travers le pays selon un rapport du gouvernement canadien.

Suivi des métiers de la restauration et l’hébergement, 10,2 % ; la fabrication avec 8,4 % et le transport et entreposage qui regroupe 5 % de travailleurs temporaires dans le pays.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a expliqué à la BBC qu’une enquête qu’elle a mené en décembre dernier a révélé que 9 % des propriétaires d’entreprise planifiaient d’embaucher plus de travailleurs étrangers temporaires en 2024. Donc, 26 % des propriétaires d’entreprise dans le secteur agricole, 19 % dans le secteur de la santé et 17 % dans le secteur du transport.

Quels sont les pays africains qui offrent plus de travailleurs temporaires au Canada et comment seront-ils impactés ?

Sur les 109 800 travailleurs temporaires exerçant au Canada depuis juin de l’année en cours, seuls 9 555 sont originaires d’Afrique, selon le décompte effectué par BBC Afrique sur la base des données des autorités, dont la dernière mise à jour publique date de juin 2024.

Aucun pays africain ne figure dans le top 20 des pays offrant de la main d’œuvre agricole au Canada, les travailleurs venant plutôt d’Amérique du Sud et d’Asie, explique à la BBC Aïsha Laperrière, Coordonnatrice aux affaires législatives à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante.

Donc, même s’il existe quelques-uns dans ce segment, ils ne sont pas majoritaires. Ils sont donc repartis dans d’autres secteurs d’activité, comme la restauration, l’assistance à domicile, le tourisme ou encore l’informatique, comme ce jeune Marocain qui a requis l’anonymat.

Joint au téléphone, ce jeune résidant à Montréal se dit préoccupé. Il lui reste juste quelques mois avant la fin de son contrat, qui ne pourra pas être renouvelé.

“Je ne sais pas quoi faire. Je ne peux pas rentrer au Maroc. Ma famille a un problème de terres là-bas, et l’argent que je gagne ici me permet de prendre soin d’elle. Peut-être je vais quitter Montréal”, a-t-il expliqué au téléphone à la BBC.

Avec 1 730 ressortissants, son pays le Maroc est le deuxième pourvoyeur africain de main d’œuvre temporaire au Canada, sur les 48 pays africains repertoriés par les autorités canadiennes, derrière la Tunisie qui totalise 2105 travailleurs temporaires dans le pays.

Dans le top 5 des pays africains ayant des travailleurs temporaires au Canada, on trouve aussi le Cameroun, 3ème avec 1 210 ressortissants, l’Algérie, 4ème avec 1 115 et Madagascar, 415 ressortissants exerçant comme ouvriers temporaires, selon notre décompte sur le document du gouvernement.

Outre le programme de travailleurs étrangers, le gouvernement a recours à deux autres viviers de main d’œuvre pour palier la pénurie. Il s’agit du programme de mobilité internationale et le programme post diplôme. Ce dernier donne des permis de travail aux étudiants étrangers en fin de formation dans les écoles canadiennes et qui acceptent de s’installer dans le pays.

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