L’Azerbaïdjan est au cœur d’une guerre des faux comptes sur les réseaux sociaux

L’Azerbaïdjan est au cœur d’une guerre des faux comptes sur les réseaux sociaux

Où se trouve le centre du monde ? À partir du 11 novembre, la réponse ne fera aucun doute : Bakou. Le gouvernement azerbaïdjanais supervisera le sommet mondial sur le climat, au cours duquel les participants tenteront de réduire de toute urgence la consommation de combustibles fossiles, et d’éviter ainsi les effets les plus destructeurs du dérèglement climatique, rappelle le Guardian (29 octobre 2024).

Or, l’Azerbaïdjan possède d’importantes réserves d’hydrocarbure – et le pays d’Asie de l’Ouest ne compte certainement pas les laisser reposer sous terre : une augmentation de la production nationale de gaz de 50 % est prévue au cours de la prochaine décennie. Pour verdir son image, l’ancienne république soviétique peut toutefois s’appuyer sur la portée mondiale des réseaux sociaux.

L’ONG Global Witness a recensé 71 comptes “suspects” sur X. Parmi eux, 65 ont été créés depuis le mois de mai, “souvent en rafale”. Leur particularité : la bannière et l’image de profil sont systématiquement liées à la nature (fleurs, arbres, etc.), et certains comptes vont même jusqu’à utiliser exactement les mêmes images.

Le Washington Post va encore plus loin : au moins 1 800 faux comptes sur X – probablement contrôlés par des robots – feraient “l’éloge de l’Azerbaïdjan”, selon une autre analyse diffusée le même jour et provenant cette fois-ci de Marc Owen Jones, expert en désinformation à l’université Northwestern au Qatar et ex-collaborateur de Global Witness.

Plusieurs comptes, une seule personne derrière l’écran ?

Plus de la moitié des messages publiés par les comptes repérés par Global Witness au mois de septembre utilisaient les hashtags #COP29 ou #COP29Azerbaijan, et 70 % de leurs retweets reprenaient soit les messages des organisateurs de la COP29, soit des messages officiels du gouvernement, d’un parti ou d’un politicien azerbaïdjanais.

En outre, ces comptes s’organisaient en réseau, la plupart étant connectés à au moins six autres comptes suspects.

Mais qui, au juste, pouvait bien se cacher derrière l’écran ? Une analyse des messages des 16 premiers comptes identifiés a montré que le 1er octobre, une douzaine d’entre eux avaient publié des messages l’un après l’autre – comme si une personne s’était connectée sur plusieurs comptes à la suite.

“Tous ces éléments suggèrent que les comptes sont faux, même s’il est possible que certains soient authentiques”, résume le Guardian. Plus d’une centaine d’autres comptes ont par ailleurs été identifiés comme soutenant la communication officielle de la Cop29, bien que les visuels de profil et de bannière ne correspondent pas au thème de la nature.

Étouffer les critiques

S’il s’agit d’une stratégie, force est de constater qu’elle a plutôt bien fonctionné. Ainsi, en septembre, les dix messages au plus fort taux d’engagement (réactions, retweets, etc.) contenant les hashtags #COP29 et #COP29Azerbaijan provenaient tous du compte officiel de la COP29. Tandis qu’au mois de juillet, le top 10 comptait sept messages critiquant le rôle de l’Azerbaïdjan dans le conflit avec l’Arménie, à l’aide de hashtags tels que #stopgreenwashgenocide.

Pour l’ONG, le fait de gonfler artificiellement la portée des messages du gouvernement a pour effet “d’étouffer les critiques indépendantes” concernant le bilan du pays en matière de crise climatique et de répression des droits de l’homme.

“L’Azerbaïdjan est à quelques jours d’accueillir l’événement climatique le plus important de l’année”, a souligné Ava Lee, directrice des campagnes “menaces digitales” chez Global Witness. “Il est vital qu’il y ait un espace pour une véritable discussion sur ce que les gouvernements doivent faire pour répondre à l’urgence climatique.”

Pourtant, un réseau de comptes apparemment inauthentiques remplace les critiques légitimes par une positivité enrobée de fleurs.

“La facilité avec laquelle ces comptes ont pu influencer la conversation en ligne est préoccupante, d’autant plus que X a délibérément réduit la capacité de ses équipes chargées de la confiance et de la sécurité”, ajoute-t-elle.

Des réseaux sociaux pointés du doigt

“Nos équipes de sécurité travaillent constamment à contrecarrer les comportements inauthentiques coordonnés”, a cependant réagi un porte-parole de X. Au moment de la publication de l’article du Guardian, certains de ces comptes apparaissaient effectivement “suspendus”, ou alors “temporairement restreints” en raison d’une “activité inhabituelle”.

Pour Meta, propriétaire de Facebook, l’Azerbaïdjan n’en est pas à son coup d’essai. En avril 2022, la firme avait publié un rapport spécifiant que le pays “se livrait à la fois au cyber-espionnage et à un comportement inauthentique coordonné”, visant notamment “des militants pour la démocratie, des membres de l’opposition, des journalistes et des détracteurs du gouvernement à l’étranger.”

“Cette campagne, prolifique mais peu sophistiquée, était dirigée par le ministère des Affaires intérieures azerbaïdjanais”, assurait Meta.

Lors de la préparation de la COP précédente aux Émirats arabes unis, autre État pétrolier, une “armée de faux comptes de réseaux sociaux” avait déjà promu et défendu les intérêts nationaux, notent nos confrères, faisant remarquer que les pays n’avaient finalement pas réussi à se mettre d’accord sur une “élimination progressive” des combustibles fossiles, privilégiant la “transition vers l’abandon.”

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